Le « bon » détenu au « bon » endroit
En France, deux ensembles de travaux sur les catégorisations raciales en prison se dégagent, au sein desquels cette question peine à trouver une problématisation convaincante : entre ceux, d’une part, qui privilégient l’entrée par le continuum carcéral pour saisir l’imbrication des logiques d’exclusion sociale et raciale entre la prison et les quartiers populaires ; et ceux, d’autre part, qui interrogent la racialisation au seul prisme des conditions de production des énoncés racistes. En prenant pour objet la manière dont le personnel pénitentiaire désigne et regroupe les détenus au regard d’un lieu de résidence et des fréquentations qui y sont associées, l’article examine les effets imbriqués des processus de racialisation et de territorialisation sur les modalités d’affectation en détention. À partir d’une enquête ethnographique dans deux maisons d’arrêt, il montre comment les catégorisations territoriales visant les jeunes hommes de milieux populaires reproduisent des formes de racialisation et de disqualification des détenus visés par des pratiques ambivalentes de regroupement en unités de détention. La latitude laissée au personnel d’encadrement de l’administration pénitentiaire dans la gestion des affectations apparaît dès lors déterminante. Elle donne lieu, dans les deux établissements de l’enquête, à la constitution de normes d’« équilibrage » dans la composition des unités, révélatrices d’une dynamique pragmatique de racialisation structurant l’ordre carcéral.
- prison
- catégorisation
- racialisation
- territorialisation
- discrétionnarité et action publique