Fabriquer les « autochtones » que l’on voudrait préserver

Dossier : Racialisation et action publique
Ethnicisation et folklorisation des instituteurs de langue amérindienne au Mexique
Par Daniele Inda
Français

Depuis les années 1970, à la suite de contestations de sa politique indigéniste jugée assimilationniste, l’État mexicain a déployé des politiques dites de « sauvegarde culturelle », qui visent la préservation des langues et des « cultures » amérindiennes. Cet article montre que ces politiques ont contribué à l’ethnicisation de certaines fractions des populations identifiées comme autochtones. La démonstration porte sur le cas des instituteurs de langue huichol du Nayarit, dans l’Ouest du pays. Au moment de leur recrutement, ces derniers avaient un style de vie proche de celui des habitants des zones urbaines, ainsi qu’une connaissance très limitée de la langue et des « traditions huichols ». Au cours de leur socialisation professionnelle, cependant, ils ont acquis des compétences et des dispositions qui les ont progressivement rapprochés de l’image sociale de « l’indien authentique ». La portée de ces évolutions est telle que, de nos jours, ces fonctionnaires peuvent être perçus comme « plus autochtones » que les membres des autres fractions de la population de langue huichol. Il en résulte que les politiques de « sauvegarde culturelle » ont contribué à produire des « autochtones » dont le mode de vie correspond à celui qu’elles visent à « préserver ».

  • politiques indigénistes
  • multiculturalisme
  • ethnogenèse
  • socialisation professionnelle
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