Donner la parole aux immigré.es
Depuis une trentaine d’années, avec la redéfinition des politiques culturelles et urbaines, les artistes se voient assigner des missions sociales : renforcer le « lien social », contribuer au décloisonnement des quartiers et à l’intégration des immigré.es. Ce processus touche de nombreux pays européens parmi lesquels l’Italie. Financées dans le cadre de programmes de rénovation urbaine, de nombreuses associations de théâtre ont ainsi investi les quartiers populaires. Elles y proposent des projets avec les populations immigrées, en affichant non seulement un objectif d’« intégration », mais aussi d’empowerment des participant.es. Basé sur une enquête ethnographique réalisée au sein d’une association de théâtre à Turin, cet article met en lumière la façon dont sa metteuse en scène réussit à se forger un rôle professionnel reconnu, en s’autodésignant en tant qu’intermédiaire entre les immigré.es et la société italienne. Si elle affiche un objectif d’émancipation de ces populations, elle se confronte ensuite à de nombreuses contradictions lors de la mise en œuvre des projets. Malgré ses croyances antiracistes, elle finit par contribuer à la minorisation des immigré.es. Basé sur une triple dynamique – de « racialisation », d’« ethnicisation » et de « culturalisation » –, ce processus assigne les minorisé.es à une altérité radicale, sur laquelle ils/elles ont peu de prise.