Des « ouvriers en costume-cravate » ?

Dossier : En bas à droite
Mobilité économique et ancrage à droite des classes populaires frontalières
Par Stéphane Latté, Simon Hupfel
Français

À partir d’une enquête de terrain conduite auprès d’un groupe de travailleurs frontaliers résidant dans un canton rural de l’Est de la France, cet article explore les représentations du monde social et l’ancrage politique à droite d’une fraction atypique des classes populaires – des travailleurs subalternes argentés. Dans une première partie, il s’agit de saisir les spécificités de la migration frontalière (une « migration sur place ») et de documenter une forme originale de mobilité sociale : des trajectoires d’enrichissement sans « embourgeoisement », une mobilité économique à l’état brut qui ne s’accompagne ni d’une conversion de la richesse en capital culturel ni d’une acculturation aux styles de vie des classes supérieures. Puis, en décrivant les relations qu’entretiennent ces migrants de classe économique avec les élites locales diplômées, nous montrons comment le travail frontalier contribue à produire un ordre social à front renversé dans lequel le revenu destitue le diplôme comme fondement des légitimités. Enfin, le cas de ces salariés – souvent subalternes, mais stables professionnellement et assurés de revenus conséquents – permet d’interroger les limites d’une lecture symptomatologique de la « droitisation des classes populaires ». En effet, irréductible à une crise de la reproduction – du monde ouvrier ou de l’entre-soi rural –, l’ancrage à droite se donne plutôt comme le produit de la reproduction sociale réussie de salariés industriels dont la promotion économique se nourrit à la fois d’une fidélité au groupe d’origine et d’une démonstration des mérites individuels au travail.

Mots-clés

  • mobilité économique
  • conservatisme
  • migration
  • classes populaires
  • monde rural
  • frontière
  • travailleurs frontaliers
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