« C’est uniquement social ». Sur la production d’un dualisme social/psychiatrique en sciences sociales et dans le travail ordinaire de la psychiatrie

Varia
Par Céline Borelle
Français

Un grand nombre de travaux sur la psychiatrie partagent un même présupposé méthodologique et théorique : le fait de montrer que la réalité de la maladie mentale – de sa qualification et de son traitement – est aussi sociale, c’est toujours remettre en cause la construction de son objet par la psychiatrie. Et s’intéresser à l’une des dimensions de cette réalité, psychiatrique ou sociale, revient forcément à négliger l’autre. L’établissement d’un tel rapport d’exclusion respective entre le social et le psychiatrique induit une approche « dualiste » : la mission des sciences sociales consiste à opérer une distinction entre ce que la psychiatrie déclare faire – identifier et traiter des problèmes psychiatriques – et ce qu’elle fait effectivement – exercer un contrôle social, normaliser les déviances, moraliser une classe sociale ou encore servir d’instrument de pouvoir sur l’institution scolaire. Dans cet article, on propose de prendre de la distance par rapport à ces approches dualistes en remettant en cause le rapport d’exclusivité entre social et psychiatrique, de même que le rapport de concurrence entre sciences sociales et psychiatrie qu’il induit. Cette remise en cause se fonde sur une approche qui privilégie les tensions internes à l’activité comme point d’entrée dans l’étude de la psychiatrie. On s’attache à décrire un type de tension spécifique : la tension ontologique, c’est-à-dire la manière dont les professionnels répondent, en pratiques et en situation, à la question de l’indétermination ontologique des problèmes auxquels ils sont confrontés. Il s’agit de saisir la tension ontologique entre psychiatrique et social qui est en jeu dans les pratiques de diagnostic et de traitement des comportements et individus problématiques. On entend montrer que la question de l’ontologie du problème, plus précisément le problème ontologique de la frontière entre psychiatrique et social, se pose aux professionnels de la psychiatrie eux-mêmes et que cette question, cadrée par des professions institutionnalisées, engage des enjeux cruciaux de division concrète du travail et de partage de la responsabilité d’une situation.

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