Le savant, le cobaye et l’antivivisectionniste
Le XIXe siècle constitue une période de développement considérable d’un rationalisme expérimental dans les sciences du vivant, rationalisme fondé entre autres sur des pratiques et méthodes d’investigation à vif d’animaux cobayes, les vivisections. Savoirs, concepts et modes d’interaction avec l’animal constitutifs de ces sciences – et notamment de la première d’entre elles, la physiologie expérimentale – n’obtiennent pas pour autant la reconnaissance immédiate qu’une lecture téléologique du phénomène laisserait supposer. Les modalités de leur diffusion et acceptation varient en effet considérablement d’un espace national à l’autre, les contrastes et décalages étant particulièrement marqués entre, d’un côté, la France, qui constitue avec l’Allemagne l’un des centres depuis lesquels se développent ces magistères et, de l’autre, l’Angleterre, où l’importation des schèmes de la physiologie expérimentale favorise dans la seconde moitié du siècle le développement de l’antivivisectionnisme, mobilisation collective et idéologie hostile à l’implantation de ces nouvelles sciences. Cet article propose à partir d’une approche synthésiste articulant l’analyse de différents niveaux d’intégration de rendre compte de l’universalisation différenciée entre la France et l’Angleterre des principes de vision de ces sciences.