De l'épargne longue à l'épargne retraite
La réforme des retraites par répartition, menée en France depuis vingt ans, se traduit par une diminution du niveau des pensions servies par les régimes obligatoires. En parallèle, les incitations fiscales se multiplient afin de favoriser la constitution d’une épargne privée venant « compléter » ces retraites en répartition. L’institutionnalisation de cette « épargne retraite », pour les salariés du secteur privé, s’est faite entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000, autour de l’élaboration des lois Thomas (1993-1997) et Fillon (2003). Ces plans d’épargne retraite ont été promus par des entrepreneurs bureaucratiques, politiques et économiques de la cause de l’épargne longue, extérieurs au secteur des politiques publiques sociales et pour qui la privatisation des retraites était un moyen de développer la place financière française. Le succès de leur entreprise s’explique pourtant par leur capacité à légitimer l’épargne longue en la présentant comme une épargne en vue de la retraite puis à faire endosser la responsabilité politique de sa mise en œuvre par les groupes d’agents traditionnellement chargés de la politique des retraites. Née dans et pour le secteur financier, où le financement des retraites par répartition n’est pas un enjeu, l’épargne retraite est pourtant devenue un instrument de la politique sociale qui modifie progressivement le fonctionnement des régimes de retraite des salariés français.