Marchés efficients, investisseurs libres et États garants : trames du politique dans les pratiques financières professionnelles

Dossier
Par Horacio Ortiz
Français

Résumé

Au cours des trente dernières années, la régulation financière a été réorientée suivant un projet politique visant à établir des « marchés efficients » où des « investisseurs libres » contribuent à une « allocation optimale » des ressources et un « État minimal » réduit à un simple rôle de « garant » du fonctionnement du système. Cependant, l’établissement de nouveaux cadres de l’industrie financière informés par ces concepts a progressivement conduit à un effacement des marques de la généalogie politique dont ils procèdent : ils apparaissent ainsi finalement comme de simples outils techniques aux mains des professionnels aptes à les manipuler dans des contextes pratiques. L’analyse des pratiques quotidiennes de gérants de fonds investissant dans des dérivés de crédit avant la crise, en 2004 à Paris, confirme ce constat, mais montre aussi que cette technicisation n’est pas totale : dans des situations de changement et de conflits, les mêmes concepts sont susceptibles d’embrayer de nouveau sur des justifications morales et politiques selon les lignes des philosophies libérales dont ils sont issus. Cela révèle qu’alors que le système financier correspond à un cadre dans lequel la distribution inégale du crédit, en tant que question technique, ne peut pas être discutée comme un enjeu politique, c’est-à-dire comme un rapport de forces, cette technicisation ne se comprend que comme étant elle-même de nature politique et dès lors comme participant à ce rapport de forces : la tension qui se dessine entre le technique et le politique apparaît alors comme un rapport interne au projet politique dans lequel s’inscrit la finance contemporaine.

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