En attendant les papiers

Dossier : État et illégalismes
L'affiliation bridée des migrants irréguliers aux États-Unis
Par Sébastien Chauvin
Français

Résumé

Aux États-Unis comme ailleurs, l’absence de papiers légitimes joue un rôle-clé dans la précarité des migrants irréguliers. Les caractéristiques du régime d’illégalité étatsunien permettent toutefois aux sans-papiers d’y jouir de droits de citoyenneté qui tranchent avec les régimes plus répressifs d’Europe occidentale. Les immigrés illégaux ont été incorporés dans la société, l’État, et le marché du travail du pays d’une manière que l’on ne peut entièrement saisir en se contentant d’opposer exclusion formelle d’un côté, et intégration informelle ou légitimité subjective de l’autre. Inférieure, leur citoyenneté concrète inclut de nombreux éléments formels, aux niveaux local et national. Cette normalisation avancée de l’illégalité tend en retour à institutionnaliser davantage leur condition subordonnée : n’étant jamais réduits à l’état de « non-citoyens », ils forment tendantiellement une couche reconnue et stabilisée de « sous-citoyens », dont l’autodiscipline, la stabilité bureaucratique, et la participation fiscale ont été entretenues par des promesses d’amnistie sans cesse répétées mais, depuis 1986 en ce qui concerne les Mexicains, sans cesse repoussées. Dans ce contexte, l’illégalité n’apparaît pas comme un marqueur absolu d’illégitimité mais comme un obstacle de plus au sein d’un continuum de la mise à l’épreuve civique. Cependant, parce que les migrants irréguliers doivent parfois commettre plus d’infractions s’ils veulent bénéficier des attributs civiques les plus formels, la signification sociale de ces derniers demeure indéterminée, leurs détenteurs pouvant être représentés aussi bien comme « plus légaux » que comme « plus illégaux ».

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